[Matières Premières] Le tabac et la civette

Récemment, je passais devant un tabac de Versailles, l’un des nombreux tabac français qui tire son nom d’un petit animal africain, la civette.

La Civette du Parc, à Versailles

J’avais déjà lu quelques articles sur le sujet alors j’ai fait le lien (olfactif). Vous l’avez ? Sinon, je vous explique, je suis là pour ça 🙂

Mon expérience avec le tabac est quasi nulle. Je n’ai jamais fumé, pas de fumeur dans la famille (je tire un peu de gloire du fait d’avoir fait arrêter mon grand-père après lui avoir dit un jour, vers mes 6 ans, je me cite : « tu sens mauvais papy »… déjà le petit nez faisait du bon boulot)

Du coup, mon expérience olfactive se limite au humage de mes potes fumeurs (ils sont de moins en moins nombreux, non que je les évite, mais qu’ils arrêtent), et de volutes de passants (et en ces temps de port de masques, on n’est pas gâtés non plus de ce côté-là). Mes impressions vont du dégoût absolu (cendre froide ou pipe bien râpeuse, que je visualise d’un vert très sombre), à une curiosité teintée de plaisir (les tabacs doux, que je vois plutôt en marron clair). J’avais assisté avec grand plaisir à une conférence sur le tabac en parfumerie, j’avais appris beaucoup de choses.

La civette intervient dans les tabacs du côté du spectre que je n’aime pas. Le tabac à priser, à la mode dès le 18e siècle, était fort râpeux, pas forcément agréable à sniffer. Les préparateurs de l’époque ont donc eu l’idée de parfumer le tabac, avec, vous l’aurez compris, une matière première animale qui est la civette. Pourquoi cette matière première en particulier, je n’ai pas vraiment trouvé la réponse en cherchant sur le net, alors je vous livre ma supposition : les deux notes s’accordent bien.

A l’état brut, l’odeur de la civette (j’en au un petit flacon titré à 1%, ce qui est énorme, mais il a vieilli et l’odeur s’est atténuée) est désagréable, fécale, piquante, violente. Il faut passer le réflexe de rejet pour se rendre compte qu’il y a quelque chose de chaleureux, très rond, assez floral, derrière cette première impression. Comme le musc, la civette est un fixateur, mais contrairement au musc, elle apporte des notes importantes dans un parfum, et elle arrondit les angles d’autres matières un peu brutes. J’imagine que c’est ça qui fonctionne avec le râpeux du tabac : elle les arrondit, elle apporte de la chaleur et rapproche finalement le tabac très végétal d’une odeur plus animale. Sans être trop éloignée de la note tabac, elle la complète donc assez bien. Surtout si on ne retient de l’odeur que le fond, puisque l’aspect fécal s’atténue avec le temps au profit du floral musqué chaleureux. Il est dit que certains tabacs à priser étaient carrément contenus dans la poche à musc de l’animal.

Rassurez-vous, désormais la civette est protégée. L’extraction du produit (nommé également civette) n’était pas mortel pour elle mais douloureux, aussi on a cherché rapidement à reproduire l’odeur, et notamment le principal composant, la civettone. Aujourd’hui cette matière première d’origine animale est remplacée par une version de synthèse.

A noter aussi à propos de parfumage de trucs bizarres à la civette, que le café le plus cher du monde, le Kopi Luwak, passe par les boyaux d’une civette d’un autre genre (ça se passe en Indonésie) avant d’être utilisé. Une petite tasse ?

Références

A propos Carole

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