Ma Shalimar

J’ai longtemps hésité avant d’écrire mes impressions de Shalimar. Parce que Shalimar, pour moi, c’est avant tout une personne et une personnalité. Et quelle personnalité !

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J’ai beaucoup d’affection pour ma Shalimar à moi. Quand je l’ai rencontrée, j’étais ado (tiens, c’était à peu près l’époque où je suis tombée dans les parfums). Je voulais découvrir Paris, parce que bon, j’habitais pas si loin mais j’y allais jamais, alors ma mère m’a dit : « Tiens mais il y a Tatie J. qui y habite et qui pourrait t’héberger quelques jours…« . Bon, je la connaissais pas, la tatie en question, et puis, j’étais timide à l’époque, mais pour une fois j’ai osé et j’ai pris le train pour Paris. Et j’ai découvert Shalimar.

Parce que, à l’époque, il lui donnait pas encore de boutons. Depuis, si, pourtant les réglementations sont plus sévères, allez comprendre (et apparemment, elle n’est pas la seule, Claire Chazal aurait le même problème, selon Gala ou Voici). Shalimar parfumait ma tante, imprégnait sa salle de bains et m’a marqué à vie comme son parfum. Et je l’ai associé à cette personnalité très vive, très joyeuse, qui est celle de J. Il faut dire que ces deux-là se conviennent bien.

Shalimar a un abord pimpant, gai (comme J., donc), basé sur une bergamote bien travaillée. Il y a un certain classicisme au départ, pas d’extravagance, mais une beauté juste.

C’est après, quand on arrive aux notes de cœur et de fonds, qu’on se rend compte que la tantine n’est pas si sage qu’elle en a l’air. Dans la famille – c’est une petite dernière -, J. détonne clairement. Alors que tout le monde, après avoir émigré d’Italie la génération précédente, s’est établi dans un périmètre de 30 kilomètres autour des frères et soeurs, au fin fonds de l’Ariège, elle se décide à 20 ans, diplôme de sténodactylo en poche, à monter à la capitale. Scandale familial, une célibataire -jolie fille qui plus est- à Paris !?!

Cette audace, ce courage, on le retrouve dans l’histoire de Shalimar, premier parfum à avouer une composition qui n’est pas 100% naturelle, avec notamment de l’éthylvanilline, molécule assez récente à l’époque. Molécule qui plus est, présente en surdosage, nouvelle audace du parfumeur Jacques Guerlain. C’était franchement gonflé à l’époque. Et ça a marché, on connait l’histoire des GIs qui faisaient la queue chez Guerlain pour en ramener à leur dulcinée la guerre finie…

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Flacon géant de Shalimar « les inséparables », photos perso prises à la Maison Guerlain aux Champs-Elysées

Elle me dit de temps en temps « Mais tu sais, je suis vieille maintenant », et elle me fait bien rire… Faut dire que ce petit bout de bonne femme ne s’est jamais arrêtée, en fait. Une fois à la retraite, elle a commencé à  faire une seconde carrière de bénévole, pour la Croix-Rouge.

Tatie J., comme son parfum emblématique, est toujours pour moi, qui suis encore très provinciale, l’archétype de la Parisienne. Affranchie de certaines contraintes, libre, toujours habillée et coiffée avec goût, bien dans sa peau, de bonne humeur. Et elle ne prend pas une ride.

Note. J’ai écrit ce texte du vivant de cette tatie chère à mon cœur. Elle nous a quittés l’été dernier, en catimini et bien trop vite. Elle ne voulait pas d’hommages particuliers (raison pour laquelle j’ai effacé son prénom). Je transgresse un peu en publiant ces lignes, mais elles me tiennent à cœur, et malgré son absence, ou à cause d’elle, je les trouve toujours justes. Je ne t’oublie pas <3.

A propos Carole

Blogueuse Olfaction(s)
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