Le Havre

Chaque fois que je reviens au Havre, ma ville natale, ma première impression est olfactive.

LH jour

Vue du bassin du commerce, photo Franck Barre

De mémoire, cette ville a toujours eu une odeur. Elle s’est atténuée au fil du temps, en témoignent ces suivis olfactifs par l’association Air Normand (j’ai participé au dernier d’entre eux, je vous en reparlerai à l’occasion…). Mais elle reste le symbole d’une industrie présente.

Si vous voulez vous faire une idée de l’odeur habituelle de la zone portuaire, je vous propose la manip suivante :

  • Faites-moi griller un bout de pain dans votre grille-pain. Regrillez-le jusqu’à ce qu’il soit un peu noir 🙂
  • Maintenant, ouvrez une gousse d’ail, frottez-la sur votre pain carbonisé, et sniffez-moi tout ça…

(Je précise, c’est une expérience de pensée, je n’ai pas fait la manip, moi. J’imagine juste ce que ça sent)

Toujours là ? C’est bien ! Il y a là les 2 composantes essentielles de ce que les Havrais appellent « l’odeur de pollution » (j’y reviendrai). D’une, l’aspect brûlé, grillé. Si vous voulez faire savant en société, parlez de « pyrogéné » ou de « pyraziné ». De deux, l’aspect soufré qui vient de l’ail (si on se rencontre un jour, faites-moi penser à vous amener du DADS, c’est épatant ce que cette molécule sent l’ail).

Quelquefois, la tonalité change un peu, en se concentrant davantage sur l’aspect brûlé, quand les brûleries de café sont sous les vents dominants. Rares sont les gens qui détestent cette odeur, bizarrement. Moi j’adore. Ça sent le café cramé, en toute logique.

LH raffinerie

Et puis désolée, une raffinerie de nuit, je trouve ça beau. Photo Luc Poupard

C’est l’occasion de parler un peu pollution, justement. Dans ma carrière, j’ai fait partie des « méchants pollueurs » puisque j’étais en charge de l’environnement dans l’une des entreprises qui émettait des odeurs (je vous en reparlerai). Ce qui m’a donné l’occasion de côtoyer un certain nombre d’experts en qualité de l’air. Je voudrais donc parler d’un certain nombre de croyances… :

  • C’est pas parce qu’un truc pue qu’il est forcément dangereux pour la santé. Vous n’avez aucun doute sur la dangerosité pour vos poumons du camembert que vous venez de déguster, si ?
  • Inversement, c’est pas parce qu’on ne sent rien que c’est pas dangereux. Vous savez sûrement que le gaz de ville ne sent rien en soi, mais qu’on lui ajoute une molécule fortement odorante, justement, pour prévenir du danger si il y a une fuite. En l’occurrence,  la molécule en question (tétrahydrothiophène) est méchamment soufrée, raison pour laquelle beaucoup de gens associent soufre et danger.
  • Enfin, les niveaux d’émissions des entreprises diminuent. Si, si. Vraiment. C’est énorme, pour avoir vu les chiffres. Mieux, les molécules encore émises sont bien moins nocives qu’avant. Toutes les émissions dangereuses sont sévèrement réglementées, et je sais qu’au moins sur la zone portuaire du Havre, les directeurs des raffineries ont à cœur de respecter leurs obligations à ce propos. Je les comprends : ils veulent préserver leur activité, et je trouve ça louable, car ça préserve aussi des emplois.

J’ai dérivé un peu loin des parfums, je m’en excuse…

A propos Carole

Blogueuse Olfaction(s)
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