Les Fleurs du mal et les odeurs

Je suis en train de relire ce magnifique recueil de Baudelaire, qui m’enchante toujours autant, et d’autant plus que les références à l’odorat sont légion. Quelques passages choisis…

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns…

[Le Serpent qui danse]

Mon bon Charles, tu as bien raison, l’odeur des cheveux, je la définis aussi comme âcre (surtout qu’à l’époque tes maîtresses ne devaient pas se les laver tous les 4 matins). On reproduit assez bien l’odeur des cheveux avec le costus. C’est une des rares notes dites « animales », proches des odeurs de peau voire de bête, qui soit produite par une plante. C’est une odeur assez violente, odeur de sébum, de cheveu (pas forcément très propre…)

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre…

[L’invitation au voyage]

Je suis moins d’accord, pour moi la senteur de l’ambre n’est pas « vague », comme je l’indiquais dans mon précédent billet. Sauf que, si on se place dans le contexte de l’époque (années 1850), l’Orient, ou plutôt le Moyen-Orient, qui produit et utilise l’ambre oriental dont il est probablement question ici, reste fondamentalement rare et exotique pour l’Européen qu’est Baudelaire. Et qui dit rare, dit difficile à appréhender : l’odeur n’est ni corporelle, ni fleurie, donc pas « naturelle » ni facile à apprivoiser pour ses contemporains ; d’où, j’imagine, ce terme « vague » qui peut nous paraître étrange aujourd’hui.

Le désert et la forêt
Embaument tes tresses rudes,
Ta tête a les attitudes
De l’énigme et du secret.

Sur ta chair le parfum rôde
Comme autour d’un encensoir;
Tu charmes comme le soir
Nymphe ténébreuse et chaude…

[Chanson d’après-midi]

 

Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Oeuvre de quelque obi, le Faust de la savane,
Sorcière au flanc d’ébène, enfant des noirs minuits…

[Sed Non Satiata]

 

II est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d’autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

[Correspondances]

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Baudelaire et la présidente Sabatier, par Thomas Couture

Et vous, avez-vous des passages à partager ?

Pour lire les poèmes en entier : Site ressource

A propos Carole

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5 commentaires pour Les Fleurs du mal et les odeurs

  1. A la rose dit :

    J’aime beaucoup cet article, on en veut encore !

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  2. Axelle dit :

    Superbe ! Pour moi, le calamus est encore plus « cheveux sales »… gras, une odeur « fermée », émétique. De Baudelaire encore « Le Flacon »

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  3. Laure B. dit :

    Quand la littérature rejoint le parfum et l’inverse…

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  4. Carole dit :

    Merci, je suis ravie de trouver des amatrices…

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  5. Isabelle dit :

    J’en profite pour te glisser un lien vers le blog (hélas défunt) d’un apprenti parfumeur, qui cite un poème de Verlaine à propos d’une fleur sans odeur, à son grand regret :
    http://lesateliersduparfum.typepad.fr/les_ateliers_du_parfum/2009/03/un-dahlia.html

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